Amis des Chemins de Ronde

Chapelle Sainte-Anne : Cherrueix Saint-Broladre

28 août 2021

La sortie du samedi 28 août 2021 au départ de la Chapelle Sainte Anne était animée par Jean-Paul et Patrice. Gérard vous en retrace ci-dessous les meilleurs moments.

Par un temps ensoleillé, une cinquantaine d’adhérents a participé à cette balade de 6,7 km en direction du Mont St Michel dans un paysage fortement marqué par l’homme et la nature. Ce fut l’occasion de rendre hommage à Chantal Bonnot, notre regrettée trésorière, scientifique de renom, qui avait animé une sortie dans ce secteur voilà quelques années.

La nature autour de la chapelle Ste Anne

Nous sommes sur un site géologiquement très ancien. Le substratum sous nos pieds et les massifs granitiques que nous voyons (Massif de St Broladre, Carolles) sont formés d’un socle précambrien, début du primaire datant de plus de 550 millions d’années. Aucune trace de l’activité géologique du secondaire ni du tertiaire. En revanche le quaternaire (1,8 million d’années) est bien présent. C’est en effet au quaternaire que se dessinent les paysages actuels caractérisés par une succession de périodes de glaciations et de périodes au climat plus tempéré.

Il y a 20 000 ans au plus fort de la dernière glaciation le nord de l’Europe était couvert d’une calotte glaciaire jusqu’à Berlin, Londres et le nord de la France. Le niveau de la mer était 120 m  en dessous du niveau actuel. Entre l’Angleterre et nous, pas de mer, mais un fleuve central captant les eaux de la Tamise et de la Seine débouchant au large d’Ouessant. Des paysages de permafrost et de toundra.

La configuration actuelle de la baie résulte de la remontée du niveau de la mer liée à la dernière déglaciation de -18 000 à -10 000 ans entrainant une remontée très rapide du niveau de la mer de -120 à -10 m puis il y a 6 000 ans le niveau remonte au niveau actuel.

Cette remontée du niveau marin s’accompagne de vastes remaniements de dépôts marins et fluviatiles qui comblent les fonds de baie donnant naissance au marais de Dol  (marais blanc : sédiments marins, marais noir : sédiments fluviatiles). Des cordons littoraux se mettent en place sur lesquels pousse une végétation d’herbus permettant l’installation de l’homme : au Xème siècle naissent les villages côtiers de Cherrueix et Hirel.

Pour protéger ces populations et gagner des terres inondables, on construit une digue : la digue Ste Anne entre Château Richeux et la chapelle Ste Anne. Nous sommes ici au point le plus oriental de la digue car au-delà les divagations du Couesnon empêchaient l’édification de cordons littoraux et détruisaient tout essai d’endiguement.

On a du mal à imaginer aujourd’hui que le Couesnon divaguait sur plus de 4 kms entre Ste Anne, le Mont St Michel et la Sée et la Sélune, les 2 fleuves normands de la partie estuarienne de la baie. C’est pourquoi, pour protéger le marais de Dol dans sa partie Est, la digue Ste Anne s’éloigne de la mer pour se rapprocher de St Broladre. C’est actuellement la voie verte que nous emprunterons au retour.

La chapelle Ste Anne

A été construite dès le XIème siècle à l’emplacement où la digue s’enfonce vers St Broladre pour confier à la mère de Marie la protection des terres gagnées sur la mer. En 1630, la chapelle est elle-même victime d’une inondation et reconstruite à la fin du XVIIème. Le clocheton, le campanile et l’autel sont datés de 1687. C’est un lieu de pèlerinage : chaque année, le dernier dimanche de juillet, se déroule le pardon de Ste Anne avec messe et procession sur la digue de la statue en bois de Ste Anne. De nos jours la chapelle est ouverte pour des expositions (peinture, photo et autre). Elle fait partie du grand site national de la Baie du Mont St Michel.

 

La réhabilitation du site

À l’arrière de la digue s’est développé un marais arrière dunaire qui était devenu dans les années soixante un dépotoir où s’entassaient les déchets ménagers, les carcasses de voiture, les machines à laver… En 2005, le département a réalisé des travaux de réhabilitation du site et aménagé l’espace en faveur de l’accueil des touristes et de la nature, créant 2 pièces d’eau qui s’avèrent très favorables aux amphibiens, aux libellules et à l’avifaune (grèbes castagneux, canards, foulques).

 

La borne géodésique

C’est un repère qui marque l’emplacement d’un point dont on connait précisément les coordonnées (latitude, longitude et altitude). Elle permet aux ingénieurs géographes d’élaborer les cartes d’état-major et les cartes IGN. Mais leur utilité a été fortement réduite par l’arrivée des photos aériennes et des satellites.

Les polders

Actuellement le Couesnon canalisé à partir de Pontorson coule vers le Nord. Autrefois il coulait vers le Nord-Ouest mettant nettement le Mont en Normandie.

La création des polders à partir du milieu du XVIIIème siècle entre Ste Anne et le Mont a connu de nombreux échecs. Les digues rompaient les unes après les autres. Ce n’est donc qu’un siècle plus tard avec la canalisation du Couesnon en 1863 et la construction de la digue-route qu’on a réussi à poldériser par étape jusqu’en 1933 qui est la date de réalisation de la digue sur laquelle nous venons de marcher.

En avant de cette digue, la nature poursuit son œuvre, marquée par l’amplitude des marées (14 mètres, le 3ème plus grand marnage du monde) dégageant un immense estran de 250 km2 entre la pointe du Grouin de Cancale et Champeaux (la slikke) qui accueille des milliers d’oiseaux sédentaires ou migrateurs, les pêcheurs à pied, la mytiliculture et l’ostréiculture. Plus proche de nous, les herbus (le schorre), zone de sédiments apportés par la mer, couverte d’une végétation halophile (salicorne, obione, pucinellie, spartine… mais aussi par le chiendent invasif). Ces prés salés accueillent les moutons et les chasseurs.

La chasse au gabion ouvre le 1er août et se termine fin janvier. Chaque chasseur de gabion partage une nuit par semaine avec 1 ou 2 autres. Ils posent des appelants, canards vivants attachés par une cordelette sur la mare, en fonction du vent et autres contraintes. Les canards attachés appellent leurs congénères qui les survolent et essayent de les faire se poser… Le chasseur de veille vise le ou les oiseaux d’eau qui se posent. (Patrick Contin).

Après quoi, nous rejoignons l’ancienne digue Ste Anne. Au passage, on longe les digues successives, les ruisseaux de drainage et découvrons les différents types de culture dans les champs. Nous nous arrêtons devant une ferme typique des polders

Les fermes du polder

Les bâtiments ont tous la même disposition en U. Au fond les bâtiments d’habitation avec un étage, orientés au Sud, de part et d’autre des pièces centrales deux locaux : l’un pour la laiterie et l’autre qui fait office de cellier.

A l’Ouest et à l’Est de la cour un bâtiment pour le matériel agricole et un autre consacré à l’élevage. Au centre de la cour un réservoir d’eau car il fallait importer des hauteurs de Roz-sur-Couesnon une eau potable, non saumâtre. Ce plan est imposé lors des créations des exploitations aux XIXème et XXème siècles.

Actuellement 50 fermes sont en activités dans la baie (3050 ha) d’inégale importance entre 3 ha et 122 ha. La superficie moyenne est d’environ 40 ha avec une tendance à l’augmentation. Jusqu’aux années 1970, c’est la polyculture qui domine (céréales, plantes fourragères, élevage). Dans les années 1980, l’agriculture évolue on arrête l’élevage au profit du maïs et autres céréales tout en continuant la culture maraichère intensive (salades, carottes, betteraves, navets, oignons…)

Le sol des polders est particulièrement riche en nutriments permettant d’obtenir des rendements remarquables mais la culture a très vite épuisé les terres : on a donc mis en place la rotation des cultures et utilisé abondamment engrais et fongicides.

La poldérisation

Les polders du Mont-Saint-Michel sont des polders d’endiguement du schorre. Dans un premier temps, on draine l’eau de mer qui recouvre le terrain (par gravité) puis on endigue le schorre. L’opération se fait par étapes successives. Une fois endigué, le schorre se transforme. On accélère le processus d’assèchement du sol par divers procédés : semis de plantes halophiles, creusement de rigoles qui permettent de retenir l’eau de pluie, levées de terrain. La construction de la digue insubmersible se fait avec les matériaux du pays : sédiments grossiers (sables et graviers), terre rapportée, galets. En baie du Mont- Saint-Michel les digues des polders sont très efficacement consolidées par des plantations de peupliers, dont les racines retiennent les matériaux meubles.

Retour en haut