Amis des Chemins de Ronde

Polder de Ploubalay

16 octobre 2021

Depuis quelques années la mer reprend possession du polder de Ploubalay. Pour des raisons qui furent expliquées pendant la visite, il a été décidé de ne plus entretenir certaines digues. La visite a permis de comprendre l’évolution du polder sur plusieurs siècles et les projets envisagés. Bernard Goguel, ingénieur hydrographe, nous a expliqué comment la mer sape progressivement la digue.

La sortie du samedi 16 octobre au départ de Ploubalay a longé le polder éponyme pour y voir les effets du retour de la mer, puis suivi la rive gauche du Floubalay (limite Sud de la commune de Lancieux) et le pied extérieur de la digue jusqu’à proximité de la brèche.

Nous étions nombreux pour fêter la victoire judiciaire pour le respect de la servitude de passage du sentier littoral à Saint-Briac, et profiter du beau temps. Bernard Goguel, ingénieur hydraulicien, nous a d’abord présenté le contexte :

  • accumulation de sédiments fins venus de la mer, et développement des surfaces d’herbus (le schorre, ou prés salés) dans la baie de Lancieux,
  • poldérisation d’une partie de ces surfaces par construction de digues du 16è au 19è siècle,
  • acquisition par le Conservatoire du Littoral, et décision de ne pas engager de travaux lourds de réhabilitation de la digue vieillissante, mais de laisser la mer reprendre ses droits : le polder de Ploubalay est l’un des 10 territoires pilotes du projet adapto, vers une gestion souple du trait de
    côte (voir : https://www.lifeadapto.eu),
  • étant observé que le grand polder du Drouet, 190 ha au sud de la route D768 (cf. illustration), n’est pas concerné par ce projet vu l’enjeu fort de conservation de cette route. Combien d’automobilistes savent que cette route passe, en son point bas, sur un ouvrage équipé de 6 clapets de 1 m2, permettant l’écoulement des eaux du Drouet mais bloquant les hautes mers ?

En quelques mots ont été évoquées la stratégie nationale de gestion du trait de côte (depuis 2012, voir GéoLittoral), et sa déclinaison au niveau départemental. Ici, le Conservatoire a engagé une concertation avec plusieurs acteurs du territoire dans  “une approche prospective à l’horizon 2050”, et 3 options face à la montée du niveau de la mer : Subir, Résister, ou s’Adapter.

En moins d’1 km de marche vers l’Ouest depuis le cimetière, nous sommes arrivés en vue du polder avec, au loin, la brèche qui était apparue en mai 2020. Cette brèche s’est élargie en quelques mois jusqu’à une douzaine de mètres sans creuser plus que les 2 m de hauteur de la digue au-dessus de la piste à son pied côté mer (piste bordant et dominant très légèrement les herbus).

Fin mars 2021 le seuil dur tenait encore, la largeur de la brèche était passée à 24 m. Le seuil a lâché le 27 avril, un large et profond chenal s’est alors immédiatement creusé sous les herbus, dans les sols fins érodables (tangue) constituant la fondation de la digue.

La mer était loin durant notre visite (coeff 59, PM 17h17 à 10,06 m… à comparer à la cote marine de la piste estimée avoisiner +12,10), et le polder quasi vide ; mais très boueux, vaseux, avec des sols remaniés instables, et d’accès interdit. Très instructif de voir, aisément lisible dans le paysage et sur la végétation, les traces grises ou blanchâtres des dernières marées hautes : dépôts de sédiments fins, et effets du sel. Les scientifiques en charge du suivi de ce bouleversement ont déjà noté l’apparition rapide de plantes halophiles (salicorne).

Nous avons contourné l’ancien polder en cours de re-maritimisation = « marais », par le Nord. La brèche était visible au loin, avec au premier plan le polder devenu “marais” impraticable
Le sentier remonte un peu avant de rejoindre le ruisseau de Floubalay…

Et nous voici longeant la digue, côté mer (on voit ici l’un des exutoires de drainage du polder, tombé en désuétude depuis que la décision a été prise de laisser revenir la mer). 

Il est facile de monter sur la digue, pour voir le polder (désormais « marais ») passé en gris. La piste est coupée, emportée, effondrée, mieux vaut ne pas trop s’approcher… Très large et profond chenal. 

Vue prise vers le Nord, le 2 décembre 2020 : la piste tient encore, une fosse d’érosion s’est développée à l’arrivée de l’eau qui chute dans le fossé de drainage du polder.

Même vue, le 2 mai 2011 après ouverture du chenal profond.

Attention : ne pas répéter ce genre de visite sans prendre garde aux heures et hauteurs de marées, sous peine de se trouver piégé par la montée de la mer. Les flancs de la brèche sont dangereux, car en limite de stabilité : susceptibles de s’effondrer à tout instant, et/ou d’être emportés pas les
courants de marées.

Note : les cotes marines, comptées au-dessus du zéro hydrographique (ou zéro des cartes marines), sont ici, pour la zone de Saint-Malo, supérieures aux cotes terrestres (NGF) de 6,289 m.

Vue aérienne vers le Sud, le 21 mai 2021 (photo A Collin, EPHE pour CdL) : polder ou marais de Ploubalay à gauche, herbus (schorre) côté mer à droite, avec un gabion de chasseurs de gibier d’eau pas loin du nouveau chenal à marée. Les creusements dans la tangue se développent au jusant (lors du vidage du polder), par érosions régressives des canaux de drainage. Un large canal collecteur de drainage, ancienne zone d’emprunt des matériaux du corps de la digue, jouxte celle-ci à son pied côté polder (et lui donnait de ce côté une hauteur de 3 à 4 m, au lieu de 2 m au-dessus du schorre).

Digue côté mer très endommagée, dans la zone où s’est ouverte la brèche (photo BG mai 2020).

Plus loin au Sud, perré de protection intact ; mais risque de submersion faute de marge en hauteur.

Vue aérienne du polder inondé en PM coeff 108 (cote marine 12,88) le 8 octobre 2011.

Photo Régie Vidéo Bretagne pour la mairie de Beaussais

Capture d’écran vidéo :
https://www.facebook.com/groups/1646869545551179/permalink/2944153705822750/?sfnsn=scw

Vues du polder inondé le même jour (08.10.2011, à 9h11) par Jean-Paul Vidal :

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